Ainsi, à travers l’expédition  Endurance, point d’orgue d’un grand projet de société, l’association entend  travailler sur trois objectifs :

→ Faire découvrir les montagnes de la terre aux sourds

→ Favoriser les échanges entre sourds et entendants

→ Faire connaître la langue des signes

Composée de sourds et d’entendants, encadrée par de grands noms de la voile et de l’alpinisme, l’équipe d’Endurance est partie des îles Falkland à bord de Tara  (l’ex-Antarctica de Jean-Louis Étienne) pour rejoindre la Géorgie du Sud près de l’Antarctique, un site dont le choix s’imposait avec évidence : par sa portée symbolique, d’abord : ce fut l’épilogue heureux de la mémorable épopée de Sir Shackleton, un Irlandais qui, au début du siècle dernier, parvint au prix d’une lutte inouïe contre les éléments à rallier les côtes de la Géorgie depuis la péninsule Antarctique afin de sauver son équipage échoué. Ensuite, parce que cette île, aujourd’hui inhabitée, ¬est considérée grâce à sa faune, sa flore et son relief comme l’un des derniers endroits préservés de notre planète.

L’expédition Endurance ne s’est pas placée pas sous le signe de l’exploit. Sur les cimes, l’enjeu n’est pas tant de briser les glaces que les idées reçues à propos des sourds. Car il est question avant tout d’échanges, de ténacité, de dépassement de soi, d’adaptation à l’imprévu, qu’il provienne de la nature ou de l’homme. En somme, une formidable leçon de courage pour une communauté souvent considérée à tort comme handicapée.

" Un monde que la société a réduit au silence "

Dans la rue, on reconnaît les aveugles. Pas les sourds. Une évidence qui ne peut expliquer à elle seule l’indifférence que montre notre société à leur égard.

Sait-on que, longtemps et même encore aujourd’hui, on a associé surdité à débilité ? Et sait-on que jusque dans les années cinquante, on plaçait les enfants sourds dans les asiles de fous (psychiatriques) ?

Réalise-t-on que la magnifique langue des signes a été interdite en Europe pendant un siècle suite à une décision absurde (1) qui privilégiait l’apprentissage du langage  oral  aux sourds ? Ceci, alors qu’aux USA (grâce à un sourd français) où ce langage a pu se développer sans entrave, ¬ c’est aujourd’hui la troisième langue vivante après l’anglais et l’espagnol.

Sait-on aussi que la langue des  signes, qui permet à deux sourds étrangers de communiquer après un temps  d’adaptation, ne bénéficie pas en France du développement qu’il mérite ? En témoigne un nombre dérisoire d’écoles spécialisées et d’interprètes diplômés.

Sait-on enfin que le taux d’illettrisme parmi les sourds atteint 70 %, avec son cortège de précarité et de chômage ? Constat terrible mais révélateur d’une société qui méconnaît, sinon méprise, ses cinq millions de citoyens sourds et mal entendants, dont le dixième est atteint de surdité sévère.

Mais il serait vain de fustiger seulement les entendants. Pour Daniel Buffard, les rouages de l’exclusion fonctionnent dans les deux sens : " Il est vrai que la surdité est un monde vraiment à part : si l’on n’est pas directement confronté à ce handicap, il est difficile d’imaginer les difficultés que rencontrent les sourds dans leurs tâches quotidiennes, qu’elles soient administratives ou professionnelles. Mais il est vrai aussi, étant donnée leur exclusion, que les sourds vivent en communauté.

Et c’est bien la vocation d’Endurance de faire bouger les choses. De changer le sentiment que les entendants ont vis-à-vis des sourds mais aussi l’image que les sourds ont d’eux-mêmes !